J’avais une conférence de prévue en octobre dans le Maine, qui a été repoussée pour cause de Covid et s’est tenue en avril à Ventura en Californie. Difficile de faire plus diamétralement opposé en restant sur la partie continentale des États-Unis. Toujours est-il que, tant qu’à être dans l’Ouest, notre équipe de recherche a décidé d’aller visiter nos collègues du Nevada avec lesquels on travaille sur un projet commun depuis environ un an. Et comme il ne fait pas encore trop chaud, c’est la période idéale pour aller visiter les grands parcs nationaux du Sud-Ouest des États-Unis, notamment le Grand Canyon et la Vallée de la Mort. Me voilà donc partie pour trois semaines dans le Far West. Au programme, avec les liens vers les articles (ajoutés au fur et à mesure de leur publication):
C’est une très belle journée d’automne: du soleil, des températures encore semi-estivales, et beaucoup de vent. Les journées comme ça, ça me donne envie d’être sur la côte et d’aller voir la mer, les vagues et l’écume. Je trouve donc un environnement de substitution dans les environs: les Great Falls.
Souvent nous allons du côté de la Virginie (automne 2020, été 2021-1, été 2021-2). Aujourd’hui, je décide de suivre un nouveau chemin du coté Maryland, le Billy Goat Trail. Le nom est prometteur, et en effet, le chemin surplombe le Potomac et suit les Mather Gorge, avec quelques passages un peu délicats, puis le retour se fait le long du C&O canal. J’y emmène aussi Cyrus quelques semaines plus tard.
Billy Goat Trail
Les Great Falls sont situées à la limite entre le plateau du Piedmont et la plaine costale atlantique. Au niveau des Great Falls, le niveau du fleuve perd 24 mètres (76 pieds) sur près d’un kilomètre.
La carte géologique des Great Falls montre que la région est principalement constituée de roches métamorphiques. Ces roches se sont formées il y a 550 millions d’années à partir de grès et d’argiles déposés dans l’Océan Iapetus. Lors de la fermeture de cet océan et de la subduction de la plaque océanique dans le manteau, la majorité des roches sédimentaires restent à la surface et s’accrètent pour former un prisme sédimentaire au niveau de la zone de subduction. Lorsque la plaque océanique est totalement entrée en subduction et que les deux continents entrent en collision, le prisme sédimentaire se retrouve coincé entre les deux masses continentales. Les roches du prisme sédimentaire peuvent alors se retrouver à plusieurs kilomètres de profondeur où elles sont soumises à de hautes pressions et températures, et métamorphisées. C’est ce qu’ont subit les roches des Great Falls lors de l’orogenèse Taconienne, qui est l’une des collisions continentales à l’origine de la Pangée.
Lors d’une collision continentale, il arrive que les pressions et températures soient si élevées que les roches fondent et forment des intrusions magmatiques. Les granodiorites des Great Falls se sont formées plus tard dans le processus d’accrétion continentale, il y a 470 millions d’années. Une masse continentale telle que la Pangée ne permet pas à la chaleur provenant de l’intérieur de la terre d’être évacuée à la surface et va inévitablement se refracturer en continents distincts. C’est ce qui se passe il y a 300 millions d’années, avec l’ouverture de l’Atlantique.
Ces roches métamorphiques de l’ère primaire ont depuis été soumises au processus d’érosion et se retrouvent aujourd’hui à la surface. Bien que les glaciers ne descendaient pas jusqu’aux Great Falls pendant le dernier âge glaciaire, le niveau de la mer plus bas qu’aujourd’hui et l’abondance de neige et de glace, provoquant des débits d’eau plus importants à la fonte, ont facilité l’érosion des roches dans la région. Les Great Falls et les Mather Gorges se sont formées à cette époque, le long d’une faille qui a facilité l’érosion des roches métamorphiques, généralement résistantes à l’érosion, et qui explique le cours étroit et rectiligne du fleuve en aval des chutes d’eau.
Gneiss – grès et argiles métamorphisésGneiss – ici on observe du boudinage: la roche plus sombre a été étirée et fracturée en boudins.
Chesapeake and Ohio Canal (C&O canal)
Exemple de péniche qui transportait des marchandises et des passagers sur le C&O canalGrand héron dans un marais du C&O canal
Great Falls
Petites cascades avant les Great Falls, sur les îles qui séparent les cours d’eau, on peut voir des indices de l’activité des castors.
Le ciel se fait de plus en plus menaçant, il est temps de rentrer!
Ce samedi, nous avons décidé d’aller explorer une petite montagne à une demi-heure de chez nous: Sugarloaf Mountain (le pain de sucre), qui culmine à 1283 pieds (387 mètres) d’altitude. Nous avons suivi un circuit qui contourne la montagne, puis nous mène au sommet et redescend directement au parking. La balade est relativement courte (environ 1h30), mais pentue (dénivelée: 180 mètres).
La présence de cette petite montagne au milieu de la plaine s’explique par sa géologie. Sugarloaf est composée de quartzite, un grès très riche en silice et résistant à l’érosion. Sur certains blocs de roche, on peut observer des marques de vagues, témoins d’une plage fossile. Les grès de Sugarloaf datent du cambrien (540-485 millions d’années), ils sont légèrement plus vieux que les grès Armoricains que l’on trouve en Bretagne et qui datent de l’ordovicien (485-445 millions d’années).
Cyrus sur le chemin de la montée
Plage fossile dans les quartzites
Vue depuis le sommet de Sugarloaf MountainSommet de Sugarloaf Mountain
Sommet de Sugarloaf MountainDescente dans les boisDescente dans les bois