C’est notre dernier jour dans la Vallée de la Mort, nous replions donc la tente et prenons congé de nos voisins de camping. Nous avons 170 km de route jusqu’à Lone Pine, de l’autre côté du parc, et encore quelques arrêts à notre programme. Nos visites des deux derniers jours ont presque vidé notre réservoir d’essence. Furnace Creek a une petite station essence, où nous rajoutons seulement quelques gallons au réservoir, car l’essence est à $10/gallon (environ 2.6€/L, soit deux fois plus qu’en dehors du parc)!
Route jusqu’à Stovepipe Wells
Mosaic canyon
Autre matinée, autre randonnée dans les canyons, cette fois nous avons choisi Mosaic Canyon au Sud de Stovepipe Wells. Encore une fois, nous prenons plaisir à suivre le lit d’une rivière asséchée et à observer les roches qui forment les murs du canyon. Cette fois le canyon est creusé dans des dolomites transformées en marbre par endroits.
Un cactus accroché à la falaise
Au cours de la montée, il y a quelques passages de semi-escalade à passer, et à un endroit, le canyon est bloqué par des éboulis infranchissables déposés lors de crues subites. Le chemin contourne la difficulté en passant plus haut sur un coté du canyon. À un moment, nous perdons le chemin, mais tout n’est pas perdu: nous découvrons un gros lézard qui prend le soleil.
Lézard (à peu près au centre de l’image)Mue de lézard plus haut dans le canyonCascade sèche, cette fois nous n’allons pas plus loin. Des francophones ont placé des galets sur le sol pour former le mot « FIN » 🙂Sortie du Mosaic Canyon
Traversée de la Panamint Valley
Nous voyageons vers l’Ouest et les vallées et chaines de montagnes sont orientées Nord-Sud. Nous enchainons donc les montées et les descentes au cours de la journée. Nous sortons de la Death Valley en franchissant la Panamint Range par le Towne Pass à 1511 mètres d’altitude, puis nous reperdons 1000 mètres de dénivelée dans la Panamint Valley, d’où nous apercevons le champ de dunes de Panamint, puis nous remontons vers 1500 mètres d’altitude pour franchir le Darwin Plateau, où nous nous arrêtons au point de vue Father Crowley.
Death ValleyDeath ValleyPanamint RangePanamint ValleyPanamint RangePanamint Valley et Darwin PlateauPanamint Dunes au fond de la valléeDarwin PlateauDarwin PlateauDarwin PlateauPanamint Valley
Father Crowley Vista Point
Ce lieu est nommé d’après un missionnaire John Crowley, « the padre of the desert », qui vécu de 1891 à 1940 et arpenta la région de la Vallée de la Mort. Ce point de vue surplombe la Panamint Valley et le Rainbow Canyon, aussi appelé Star Wars Canyon. En effet, plusieurs scènes de Star Wars ont été tournées dans le parc dont une dans ce canyon. Le canyon est également utilisé pour les entrainements militaires de basse altitude, un avion est passé lorsque nous étions le long de canyon, mais il est passé si vite qu’on a peine eu le temps de le voir, et encore moins de le prendre en photo.
Rainbow CanyonRainbow CanyonRainbow Canyon et Panamint ValleyRainbow Canyon et Panamint ValleyPanamint Valley et Telescope Peak
Sortie du parc
Joshua TreesUn dernier virage avant de se retrouver face à la Sierra NevadaSierra NevadaSierra Nevada et Owens Lake
Nous arrivons dans la petite ville de Lone Pine en milieu d’après-midi où nous nous installons au Dow Villa Motel. Nous passons le reste de l’après-midi à nous réorganiser pour la suite du voyage et nous finissons la journée devant un steak et un verre de vin au restaurant Seasons, que je recommande si vous passez par là.
Ce site est à plus d’une heure de route de route de Furnace Creek, mais un cratère de volcan ça ne se rate pas! Ce cratère est très récent à l’échelle des temps géologiques, puisqu’il s’est formé il y a environ 2000 ans, alors que les humains peuplaient déjà la région.
Ce cratère fait 800 mètres de diamètre et 180 mètres de profondeur. Il s’est formé lors d’une violente explosion volcanique. Comme expliqué dans un article précédent, la Vallée de la Mort fait partie de la province géologique du Basin and Range, qui est encore en extension aujourd’hui. Par endroits, la croûte terrestre est plus fine et ce contexte géologique favorise la présence de magma relativement proche de la surface. Dans le cas du cratère Ubehebe, le magma est entré en contact avec un aquifère à plusieurs dizaines à centaines de mètres sous la surface. Au contact avec le magma, l’eau de l’aquifère s’est transformée en vapeur, créant une énorme surpression qui a pulvérisé la roche sur plus de 15 km2 et créé ce cratère.
Le cratère est à plus de 800 mètres d’altitude, la température y est donc relativement moins chaude qu’au niveau de la croûte de sel. Un vent soutenu nous rafraichit tout au long de notre tour sur la bordure du cratère en plein soleil.
Une vaillante plante sur la bordure du cratère
Des cratères plus petits sont également adjacents au cratère principal. Des strates sont visibles dans les cratères. La roche de couleur orange est probablement la roche restante dont une partie a été pulvérisé par l’explosion. Les strates de couleur sombre situées au dessus sont formées par les retombées de cendres formées lors de l’explosion.
Mesquite Flat Sand Dunes
Sur le trajet du retour, nous nous arrêtons au dunes de la plaine de Mesquite. La journée a déjà été longue et nous nous contentons donc de monter sur une dune pour admirer le paysage et les fourmis!
Camping
Nous retournons au camping à la tombée de la nuit et retrouvons nos voisins de camping pour un nouveau banquet sous les étoiles pour partager nourritures, découvertes, et autres histoires. Un site que nous n’avons pas pu aller voir, parce qu’il est excentré et parce qu’il faut une voiture tout-terrain pour s’y rendre, est Racetrack Valley. Cette plaine est couverte de roches éparses qui avancent (très) lentement sur la plaine en laissant l’empreinte de leur passage sur le sol. Pour se rendre compte du déplacement il faut s’y rendre à plusieurs années d’intervalle. Ce sont les cycles de gel et dégel qui permettent aux roches de se déplacer sur la surface légèrement inclinée de la plaine.
Ce matin nous commençons par une randonnée dans les badlands que nous avons surplombés la veille depuis Zabriskie Point. La montée se fait à l’ombre dans les canyons qui serpentent à travers les falaises de grès et d’argile. Nous empruntons d’abord le Golden Canyon pour atteindre Red Cathedral, dont le chemin se termine par une montée très abrupte au pied de la falaise. Ensuite, nous rebroussons chemin sur quelques centaines de mètres pour suivre un chemin qui traverse les badlands et rejoint Gower Gulch, un canyon plus large qui nous ramène vers notre point de départ.
Golden CanyonGolden CanyonGolden Canyon
Les badlands dans lesquels nous marchons sont constitués de grès et d’argile qui se sont formés il y a 3 à 5 millions d’années. À cette époque-là, la vallée de la Mort n’était pas encore aussi basse par rapport aux montagnes qui l’entourent et les dépressions étaient remplies de lacs. Les couches de sédiments constituées de sable, d’argile et de cendres volcaniques se sont déposées horizontalement au fond des lacs, se sont solidifiées pour former des roches sédimentaires, puis on été inclinées par l’activité tectonique de la région. L’évaporation des lacs et le jeu des failles à l’origine de la vallée ont exposé ces roches sédimentaires à la surface, et les ont soumises à l’altération. Les nombreux canyons et ravines montrent que ces badlands ont été façonnés par l’action de l’eau lors de crues subites appelées flash floods.
Golden CanyonRed CathedralBadlands et Telescope Peak à l’horizonMontée à l’ombre du Manly Beacon
Les roches sombres sont des coulées de lave qui se sont déposées au fond du lac. En se refroidissant, la lave a réchauffé l’eau du lac. Ce changement de température a favorisé la précipitation de minéraux tels que le borax, le gypse, et la calcite, dont une partie a été exploitée par les companies minières au début du XXe siècle.
Falaises de Red CathedralGower GulchGower GulchSortie de Gower Gulch – une tranchée a été creusée par une rivière éphémèreCanyon donnant sur Gower GulchRetour vers notre point de départCoulées volcaniques en haut de la falaiseVallée de la Mort et Telescope Peak
Harmony Borax Works
La ruée vers l’or et autres métaux n’a pas produit beaucoup de fortunes dans la région, c’est le borax, « l’or blanc du désert », qui était le plus rentable. À cette époque, le borax était utilisé entre autre par les forgerons, les pottiers, dans les fermes laitières, l’industries de la viande, et pour certains travaux ménagers. Harmony Borax Works était l’une des premières usines de Borax dans la Vallée de la Mort. Cet atelier a été opérationnel de 1883 à 1888. Les problèmes financiers du propriétaire William Coleman et la découverte de borax à d’autres sites en Californie a précipité la fermeture de l’atelier après 5 ans de production.
Les ouvriers chinois recrutés à San Francisco étaient chargés de récolter la croûte de sel contenant le borax et de l’amener à l’atelier de raffinage sur des chariots. Ces ouvriers étaient payé $1.30 par jour sans compter le logement et la nourriture qu’ils devaient acheter au magasin de l’usine. Des abris de fortune et des tentes étaient installés dans la plaine à côté de l’atelier. Les ouvriers chinois y dormaient et mangeaient alors que les autres ouvriers étaient hébergés a Furnace Creek Ranch.
Plaine de sel d’où était extrait le borax et où vivaient les ouvriers chinois.
Le borax est rafiné, afin de le séparer de la boue et des autres sels avec lesquels il est mélangé. Le raffinage devait être fait sur place afin de transporter moins de minerai et diminuer le coût du transport. Le minerais est d’abord versé dans une cuve d’eau bouillante à laquelle on ajoute de la soude. Le borax est dissous tandis que la boue et la chaux sédimentent au fond de la cuve. Le borax dissout est transféré dans des cuves de refroidissement dans laquelle il recristallise sur des tiges métalliques. Des toiles épaisses imbibées d’eau sont placées autour des cuves pour les refroidir par évaporation de l’eau. Le borax ne critallisant pas à des températures supérieur à 49oC, l’atelier ne fonctionnait pas pendant l’été. Le borax rafiné est ensuite détaché des supports métalliques. Ce processus est répété plusieurs fois pour produire du borax plus concentré. Le borax était ensuite mis en sacs pour le transport.
Ensemble de l’atelier de purification du borax – de gauche à droite: la chaudière (partiellement cachée par la construction en pierre), les cuves de dissolution du borax, et les cuves de sédimentation des impuretés.Chaudière Chaudière et cuves de dissolution du borax
Pendant plus d’un siècle, les atelages de vingt mules ont été le symbole de l’industrie du borax. La Vallée de la Mort étant particulièrement inospitalière et loin des lieux de vente et d’utilisation du borax, seules les mules étaient assez résistantes pour transporter ce minerais. Chaque atelage tirait une charge de plus de 33 tonnes (dont 4500 litres d’eau potable), et devait traverser plus de 250 km de montagnes et de plaines désertiques pour atteindre la gare la plus proche.
Convoi tiré par les atelages de vingt mules, la réserve d’eau (à gauche) étant l’arrière du convoi.Plaine de sel d’où était extrait le borax.
Salt Creek
Nous quittons la route principale pour emprunter une route en terre et rejoindre notre destination: Salt Creek. La route serpente, et au détour d’un virage Cyrus me dit: « Tu vois ces espèces de touffes d’herbes? Quand on voit ça en Iran, ça veut dire qu’il y a de l’eau pas loin ». Et au virage suivant, on se retrouve face à une rivière! On aurait pû s’en douter, la traduction de « Salt Creek » étant « ruisseau salé », voici l’oasis au milieu du désert.
La source de cette rivière est à près de deux kilomètres en amont de cette balade. L’eau de la source est saumâtre et devient de plus en plus salée à cause de l’évaporation intense. Selon les saisons cette eau peut être plus salée que l’eau de mer. Bien que l’eau soit trop salée pour être une source d’eau potable pour les humains, cette rivière est source de vie pour de nombreuses espèces animales et végétales. Les oiseaux migrateurs y font halte, on y trouve également de nombreux insectes, des lapins, des souris, des lésards et autres reptiles, et même des renards et des coyotes.
Cette rivière abrite également une espèce de poisson, le pupfish, qui a une espérence de vie d’environ un an et s’est adapté à l’environnement changeant. Il y a 10,000 ans, les ancêtres des pupfishs vivaient dans un grand lac d’eau douce qui remplissait la vallée. Sous le climat de plus en plus aride, les lacs se sont évaporés et les pupfishs se sont retrouvés prisonniers dans des mares dispersées à travers le désert. Le pupfish s’est diversifié en plusieures sous-espèces adaptées à des habitats spécifiques et ayant des formes, des dessins, et des stratégies de survie différentes. Ces espèces sont capables de survivre dans de l’eau douce à salée (ayant une salinité plusieurs fois supérieur à celle de l’eau de mer) et dans des conditions de température très variables d’environ 0 à 37oC.
Les plantes ont aussi développé des stratégies d’adaptation au sel. Par exemple, la salicorne stocke le sel dans des cellules particulières et remplace régulièrement les parties de tiges qui contiennent trop de sel. Les Saltgrass sécrètent le sel sur leurs feuilles où les cristaux de sel aident à refléter la lumière du soleil.
Les roches sédimentaires de la Vallée de la Mort révèlent qu’avant l’âge glaciaire, la région était habitée par des chameaux, des chevaux primitifs et des félins qui ont laissé leurs empreintes dans la roche.