Ce matin, nous repartons sur la route. L’objectif de la journée est d’atteindre Parhump (Nevada), proche de la frontière avec la Californie et du Parc National de la Vallée de la Mort.
Nous quittons Tusayan vers 7h (merci le décalage horaire!), direction plein Sud vers Williams (Arizona). La végétation change progressivement, passant d’une forêt à arbustes à une prairie d’herbes couleur paille. La surface du plateau du Colorado n’est pas plate, bien sûr il y a les canyons, mais il y a aussi des volcans dont la forme conique aux pentes relativement abruptes est caractéristique.
Avant de repartir vers l’Ouest, nous faisons une pause dans la petite ville de Williams. Williams peut faire penser à la version moderne d’un village de western. Ce village-étape au bord de l’autoroute 40 a une rue principale et concentre quelques stations essence, restaurants de fast-food, un supermarché, et plusieurs dizaines de maisons, dont une bonne partie ressemble à des mobilhomes. Il y a tout de même une gare, qui permet d’avoir une correspondance avec la ligne de train qui va jusque dans le Parc National du Grand Canyon.
L’autoroute 40 continue son chemin sur le plateau du Colorado. Le paysage, toujours parsemé de volcans, alterne entre un environnement aride et des zones plus boisées, avec de rares habitations, parfois rudimentaires. La route coupe par endroits à travers des couches de roches volcaniques ou de roches sédimentaires. Plus loin, nous traversons également des zones granitiques, reconnaissables à leurs gros blocs rocheux arrondis, et certaines collines sont recouvertes de coulées de lave. Le volcanisme de la région est associé à la formation des Rocheuses et à l’élévation du plateau du Colorado.
Avant de nous arrêter visiter le barrage Hoover, c’est l’heure de la pause pique-nique au bord des eaux turquoise du fleuve Colorado.
Le fleuve Colorado a creusé le Grand Canyon en 5-6 millions d’années à travers 1600 mètres de roche, donnant accès à une coupe géologique représentant près de 2 milliards d’années. Plusieurs couches géologiques sont suffisamment reconnaissables pour être identifiées de chaque côté du canyon. Entre les canyons, des morceaux de falaises sont les témoins de la continuité des couches géologiques quelques millions d’années plus tôt et forment maintenant des crêtes et des buttes ressemblant à des temples et des pyramides.
Les roches
Les roches rencontrées sur cette coupe géologique naturelle témoignent des conditions environnementales dans lesquelles elles se sont formées. Par exemple, les Kaibab limestones (calcaires) se sont formées dans une mer tropicale peu profonde. Les Coconino sandstones (grès) sont des dunes de sable façonnées par le vent, nous les avons vues le matin même lors de notre randonnée sur le South Kaibab Trail. Les Hermit Shales (schistes) se sont formés à partir de boues déposées dans un delta ou une zone humide côtière.
Les roches du Grand Canyon peuvent être classées en trois formations distinctes, des roches les plus anciennes, au fond du canyon, aux roches les plus jeunes qui sont au sommet du plateau:
Le socle formé de roches métamorphiques plissées (gneiss) et plutoniques (granite), témoins de la présence d’anciennes chaines de montagnes;
Le Supergroup constitué de roches sédimentaires et volcaniques inclinées, dont la présence entre les strates sédimentaires horizontales et les roches métamorphiques du socle dépend du jeu des failles et de l’érosion;
Les roches sédimentaires tabulaires horizontales qui ont gardé leur position horizontale d’origine.
L’histoire géologique du Grand Canyon
Les roches sont des témoins des conditions environnementales dans lesquelles elles se forment, elles permettent de retracer l’histoire géologique de la région et les cycles d’accrétion et de dislocation des continents. Mais l’enregistrement n’est pas continu, lorsque les roches sont émergées elles s’érodent et une partie de cette histoire est perdue.
L’histoire du Grand Canyon commence il y a 1840 millions d’années lors de la fermeture de l’océan situé à l’Ouest du continent Nord Américain d’alors, qui s’achève par la collision d’un arc volcanique avec le continent formant une chaine de montagnes. Les conditions de haute pression et température générées par cet événement permettent la formation de roches métamorphiques (gneiss) et plutoniques (granites). Au cours des millions d’années suivantes, la chaine de montagne est progressivement érodée et les roches métamorphiques et plutoniques qui se sont formées en profondeur, se retrouvent à la surface il y a 1400 millions d’années.
Il y a 1200 millions d’années, le supercontinent Rodinia commence à se fracturer et la région du grand canyon se retrouve submergée. Les sédiments et les coulées de lave s’accumulent dans cette nouvelle mer. La séparation des continents Nord et Sud Américain provoque un étirement de la région qui fracture le socle en blocs basculés, inclinant et fracturant également les strates sédimentaires du Supergroup. À cause de l’érosion au cours des centaines de millions d’années qui suivent, les roches du Supergroup ont aujourd’hui totalement disparu à certains endroits entre les roches du socle et les couches sédimentaires horizontales. Cette interruption de plus de 1150 millions d’années dans l’enregistrement géologique est appelée Grande Discontinuité. Les roches du Supergroup permettent de retracer une partie de cette histoire manquante.
Il y a 525 millions d’années, le continent Nord Américain se trouve au niveau de l’équateur. La région du Grand Canyon est une plaine côtière dont émergent des îles formées par les roches du Supergroup. La sédimentation qui forme les roches sédimentaires horizontales du canyon, commence à cette époque. La diversité de ces roches témoigne des conditions changeantes de cet environnement dues aux variations du niveau de la mer. La sédimentation s’arrête lors de la formation d’un nouveau supercontinent il y a 270 millions d’années: la Pangée.
Il y a 245 millions d’années, la Pangée se disloque à son tour, le contient Nord-Américain se déplace vers le Nord-Ouest et entre en collision avec un arc volcanique, événement à l’origine de la formation des Rocheuses. Cette collision provoqua également l’élévation du plateau du Colorado, avec très peu de déformation. L’émersion de la région provoque l’arrêt de la sédimentation et le début de l’érosion du plateau.
Depuis 5 millions d’années, le fleuve Colorado suit le même chemin et traverse le plateau. Il prend sa source dans les Rocheuses et s’écoule sur près de 2600 km avant de se jeter dans le Golfe de Californie au Mexique. Au cours de ces quelques millions d’années, l’éruption des volcans actifs de la région provoquent des coulées de lave qui forment parfois des barrages naturels et bloquent temporairement le cours du fleuve. Mais l’érosion reprend le dessus et le fleuve creuse son chemin à travers ces coulées de lave.
L’histoire continue
L’érosion peut prendre plusieurs formes et est encore active aujourd’hui. La formation de falaises crée une situation instable qui favorise les éboulements. L’eau peut aussi dissoudre la roche, notamment les calcaires. En hiver l’eau s’infiltre dans les fractures et la glace qui s’y forme lors des périodes de gel fracture la roche. Et les crues subites qui se produisent souvent lors des orages estivaux emportent roches, sol, sable et végétation sur leur passage. Tous ces facteurs participent encore aujourd’hui à l’érosion du canyon, dont le paysage évolue constamment.
Avant la construction de Glen Canyon Dam en 1956, le débit du fleuve Colorado n’était pas contrôlé à travers le canyon et charriait 78 millions de tonnes de sédiments par an. Aujourd’hui les sédiments sont bloqués par le barrage et se déposent au fond du lac Powell. Les sédiments transportés par le fleuve participent à creuser le canyon et sont aujourd’hui apportés par les affluents qui rejoignent le fleuve Colorado en aval du barrage de Glen Canyon.
Chemin géologique
Après la visite du musée géologique qui nous a renseignés sur l’histoire géologique de la région, nous voilà repartis sur les sentiers, cette fois nous suivons le bord du canyon à plat. Ce chemin géologique nous fait remonter dans le temps et montre des échantillons de roches prélevés de plus en plus bas dans le canyon. On a aussi rencontré des wapitis se nourrissant de la végétation de la Kaibab National Forest.
Au programme ce matin: une randonnée à partir de South Kaibab trailhead. Contrairement à la veille, nous ne pouvons pas accéder à ce chemin en voiture. Un système de navettes nous permet de rejoindre le départ de notre randonnée. Le chemin South Kaibab va jusqu’au fond du canyon, un pont permet de passer de l’autre côté de la rivière et le chemin North Kaibab remonte jusqu’au plateau de l’autre côté du canyon. Cette randonnée serait un projet de plusieurs jours, nous avons donc marché sur une petite partie du chemin, en passant par le Ooh Ahh Point jusqu’à Cedar Ridge, puis nous sommes remontés.
Descente jusqu’au Ooh Aah Point
Trouver un chemin pour descendre dans le canyon n’a pas été facile étant donné que le canyon est bordé par une falaise abrupte. Le chemin qui part de South Kaibab trailhead a été creusé dans la falaise à partir de 1924, tout le matériel étant porté par des hommes ou des mules, et la construction se faisant la nuit pendant les mois d’été. La construction s’est terminée en 1928 avec l’installation du pont qui rejoint le North Kaibab trail.
Vue du Ooh Aah Point
O’Neill Butte
Vue de Cedar Ridge
Eh oui, les écureuils sont partout!On voit bien les couches tabulaires horizontales de part et d’autre du canyon sur la majorité de la hauteur des falaises. Vers le bas des falaises, on ne voit plus cette structure en strates et les roches sont plus sombres. Ce sont des roches métamorphiques, sur lesquelles se sont déposées les roches sédimentaires il y a plusieurs centaines de millions d’années.O’Neill Butte – le fleuve Colorado a creusé le plateau du Colorado en lassant des morceaux de falaise en place, appelées buttes témoins.
Remontée
Après une bonne pose à Cedar Ridge (la crête des cèdres), on commence l’ascension.On ne peut s’empêcher de jeter quelques coups d’œil en arrière pour continuer de profiter du spectacle!Lorsqu’on monte, on a le nez sur la roche et on peut admirer les dessins bien visibles dans la roche qui témoignent de la façon dont se sont déposés les sédiments. Ici, les lignes ne sont pas parallèles et parfois se recoupent, ces sédiments sont probablement d’anciennes dunes de sable façonnées par le vent.D’autres dunes fossiles!On attaque la falaise de grès qui marque le bord du canyon. On y est presque!Mule pour le portage ou pour promener les touristes. Les mules du Grand Canyon viennent majoritairement du Tennessee où elles sont utilisées dans les champs de tabac.