Les vacances sont presque finies, j’ai déposé Cyrus à l’aéroport la veille, puis j’ai rejoint mon collègue Sandol pour diner. Nous avons découvert le centre-ville de Reno, « the biggest little city in the World » (la plus grande petite ville du monde). On y retrouve quelques caractéristiques de Las Vegas notamment les casinos et les enseignes kitchs. L’hôtel dans lequel nous logeons est immense et abrite également un casino et des salles de conférence et de spectacle.
Truckee, California
J’ai quelques amis sur le continent américain et un voyage vers la côte Ouest peut me rapprocher de certains. Cette fois-ci c’est l’occasion de rencontrer Pauline, avec qui je jouais au handball à Lyon et qui fait un post-doc près de Sacramento. Nous cherchons donc une destination à mi-chemin entre Reno et Sacramento et nous trouvons Truckee, petite bourgade de résidences secondaires de californiens fortunés. Nous nous retrouvons au Wild Cherry Coffee House puis nous allons faire une ballade dans les montagnes environnantes jusqu’au point de vue de Johnson Canyon. Malgré les paysages enneigés de la veille, je n’avais pas du tout prévu que le chemin serait complètement couvert de neige. Cela ne nous arrête pas, nous faisons notre petite randonnée dans la neige en partageant les nouvelles et en se remémorant nos années à Lyon.
Quelques flocons sont déjà tombés lors de notre trajet. Mais à notre halte au Visitor Center pour récupérer les cartes et glaner quelques conseils des rangers, la neige s’épaissit pour se transformer rapidement en tempête de neige. Nous pensions commencer par une randonnée pour nous dégourdir les jambes après le trajet, mais nous changeons de plan et nous décidons d’emprunter la route scénique, pour pouvoir se réchauffer dans la voiture entre les arrêts.
Tempête de neige sur le canyon!
À notre premier arrêt, la tempête de neige est si dense qu’on peut à peine apercevoir une falaise fantomatique. Peu à peu la tempête se calme, la neige se fait moins dense, la visibilité s’améliore, et on découvre progressivement l’immensité du paysage qui s’étend devant nous: de multiples falaises bordant des canyons tortueux, des strates tabulaires rouges et ocre à perte de vue, des structure si immenses qu’il est difficile d’en apprécier pleinement l’échelle. En effet du haut du plateau où nous sommes, au bas du canyon au bord du fleuve Colorado, il a plus de 1600 mètres de dénivelée.
Le canyon est très aride, avec quelques poches de verdure dans les recoins de falaises qui gardent un peu mieux l’humidité et sur la rive Sud du canyon, qui reste plus à l’ombre. Le plateau est beaucoup plus boisé avec par endroit une forêt dense et des arbres relativement grands.
Le reste de l’après-midi, nous suivons la route en nous arrêtant aux points de vue, toujours émerveillés par ce paysage sur lequel les nuages et le soleil rasant créent des jeux de lumière jusqu’au coucher du soleil.
Grandview Point
Pete Berry était un prospecteur de minerais et en 1890 il ouvre la Mine de la dernière chance (Last Chance Mine) sur le site de Horseshoe Mesa. La mine produisait un minerai de cuivre de grande qualité, pur à 15-30%, jusqu’à plus de 70% pour certaines veines. Mais l’extraction de ce minerai était vouée à l’échec. La mine était située dans le canyon à 1000 mètres en aval du bord du canyon, rendant les coûts du paquetage et du transport du minerai prohibitif. Ce sont les mineurs qui ont construit le chemin de 5 km de long qui mène à la Horseshoe Mesa et qui accueille encore aujourd’hui les randonneurs. Et seules les mules étaient assez robustes pour transporter le minerai depuis la mine jusqu’en haut du canyon.
Le tourisme du Grand Canyon commence ici, à Grandview Point en 1893 lorsque Pete Berry décide d’accueillir les touristes pour leur faire découvrir le site et diversifier ses sources de revenu. Le logement est d’abord rudimentaire, dans des cabanes en bois, puis en 1897 il construit un hôtel plus confortable. Ce site est le plus populaire pour venir admirer le canyon jusqu’en 1901, date à laquelle la construction de la voie de chemin de fer atteint Grand Canyon Village, à 15-20 km à l’Ouest de Grandview Point. Les touristes choisissent alors majoritairement de confort du voyage en train jusqu’à Grand Canyon Village plutôt que le trajet de 12h en diligence depuis Flagstaff jusqu’à Grand View Point.
Lipan Point et Navajo Point
C’est à la fin de l’été 1540 qu’une expédition espagnole menée par Francisco Vásquez de Coronado découvre pour la première fois le canyon. Après un voyage de 6 mois, un petit groupe dirigé par Garcia Lopez de Cárdenas voyage encore 20 jours jusqu’au canyon. Guidés par les indiens Hopi, ce sont les premiers européens à admirer ce paysage. Pendant trois jours, le groupe chercha en vain un chemin pour descendre jusqu’au fleuve.
En 1873, le géologue John Wesley Powell invite l’artiste Thomas Moran à l’accompagner lors de son séjour dans la région du Grand Canyon pour effectuer des relevés géologiques. Les peintures de Moran ont aidé à développer le tourisme dans l’Ouest des États-Unis et ont également poussé le congrès à établir des parcs nationaux dans cette partie du pays. À cette époque ou les photos étaient encore en noir et blanc, seule la peinture permettait de retranscrire les couleurs vives de ces paysages.
Même en y étant, il est difficile de se rendre compte des distances et de la taille du canyon. Quelques chiffres qui peuvent aider:
Le Grand Canyon s’étend sur 446 km de Lees Ferry à Grand Wash Cliffs.
La profondeur du canyon est d’environ 1600 m et sa largeur de 16 km.
Dans le canyon, le fleuve Colorado fait en moyenne 91 m de large.
La surface du Grand Canyon est de 6734 km2 et le parc national du Grand Canyon (4931 km2) préserve plus de la moitié de sa surface.
Plus de 1750 espèces de plantes, 90 espèces de mammifères, et 362 espèces d’oiseaux participent à la biodiversité du Grand Canyon.
Les Hance Rapids sont les rapides les plus dangereux du Grand Canyon, et le fleuve Colorado y descend d’environ 6m. C’est aussi à cet endroit que le cours d’eau a creusé les couches de roches sédimentaires jusqu’au socle granitique. L’érosion des 1200 mètres de roches sédimentaires a pris plus de 5 millions d’années. Le granite étant plus difficile à éroder, le canyon devient plus étroit lorsqu’il traverse le granite.
Vers l’Est (amont du fleuve), le cours d’eau n’a pas encore érodé la roche jusqu’au socle granitique, mais on peut voir la formation géologique qui s’est déposée sur le socle granitique, appelée le Supergroup. Ces couches sédimentaires, âgées de 740 à 1200 millions d’années, se sont déposées horizontalement. Les plus anciens fossiles du Grand Canyon, des stromatolites, ont été trouvés dans ces roches qui portent aussi des ripple marks, témoins d’une sédimentation en eaux peu profondes. Puis, le Supergroup a été incliné lors de l’éclatement du super-continent Rodinia et de l’ouverture de l’Océan Pacifique, il y a environ 700 millions d’années. L’ouverture de l’océan s’accompagne d’un magmatisme intense et de coulées de basaltes qui recouvrent les roches du Supergroup. Cette formation sédimentaire faite de roche tendre est facilement érodée par le fleuve, formant un large canyon.
Il y a plus de 1000 ans, plusieurs villages de fermiers étaient établis le long du canyon où ils cultivaient du maïs, des haricots, des courges, et du coton dans des champs en terrasse. Les ancêtres des indiens Pueblo vivaient dans cette région, ils chassaient et cueillaient également la faune et la flore sauvage pour se nourrir. Aujourd’hui, les histoires transmises de générations en générations nous apprennent que de nombreuses tribus modernes situent leur terre ancestrale au Grand Canyon.
Desert View
Le premier géologue à visiter le Grand Canyon est John Strong Newberry en 1861. La conclusion de son étude est que le fleuve a creusé ce canyon, ce sur quoi les géologues sont encore d’accord aujourd’hui. Ce qui reste encore incompris à ce jour est pourquoi le fleuve qui coulait vers le Sud, tourne soudainement vers l’Ouest pour creuser à travers le plateau.
Après un mois passé en France, je suis de retour aux États-Unis au cœur de l’hiver. Je n’ai pas eu de problèmes pour revenir chez moi, mais je crois que j’ai eu de la chance. Quelques jours plus tard, des automobilistes ont été bloqués par la neige pendant plus de 24 heures sur l’autoroute juste au Sud de Washington DC!
Il a neigé plus de 20 cm près de chez moi et j’ai fait quelques balades autour du Clopper Lake partiellement gelé. Après quelques jours de fonte et regel, le chemin était bien verglacé et mes micro-crampons se sont avérés bien utiles.
Le soleil couchant se reflétant sur le chemin gelé du Clopper Lake.