March 20 – Grand Canyon – Scenic Road

Quelques flocons sont déjà tombés lors de notre trajet. Mais à notre halte au Visitor Center pour récupérer les cartes et glaner quelques conseils des rangers, la neige s’épaissit pour se transformer rapidement en tempête de neige. Nous pensions commencer par une randonnée pour nous dégourdir les jambes après le trajet, mais nous changeons de plan et nous décidons d’emprunter la route scénique, pour pouvoir se réchauffer dans la voiture entre les arrêts.

Tempête de neige sur le canyon!

À notre premier arrêt, la tempête de neige est si dense qu’on peut à peine apercevoir une falaise fantomatique. Peu à peu la tempête se calme, la neige se fait moins dense, la visibilité s’améliore, et on découvre progressivement l’immensité du paysage qui s’étend devant nous: de multiples falaises bordant des canyons tortueux, des strates tabulaires rouges et ocre à perte de vue, des structure si immenses qu’il est difficile d’en apprécier pleinement l’échelle. En effet du haut du plateau où nous sommes, au bas du canyon au bord du fleuve Colorado, il a plus de 1600 mètres de dénivelée.

Le canyon est très aride, avec quelques poches de verdure dans les recoins de falaises qui gardent un peu mieux l’humidité et sur la rive Sud du canyon, qui reste plus à l’ombre. Le plateau est beaucoup plus boisé avec par endroit une forêt dense et des arbres relativement grands.

Duck on a rock

Le reste de l’après-midi, nous suivons la route en nous arrêtant aux points de vue, toujours émerveillés par ce paysage sur lequel les nuages et le soleil rasant créent des jeux de lumière jusqu’au coucher du soleil.

Grandview Point

Pete Berry était un prospecteur de minerais et en 1890 il ouvre la Mine de la dernière chance (Last Chance Mine) sur le site de Horseshoe Mesa. La mine produisait un minerai de cuivre de grande qualité, pur à 15-30%, jusqu’à plus de 70% pour certaines veines. Mais l’extraction de ce minerai était vouée à l’échec. La mine était située dans le canyon à 1000 mètres en aval du bord du canyon, rendant les coûts du paquetage et du transport du minerai prohibitif. Ce sont les mineurs qui ont construit le chemin de 5 km de long qui mène à la Horseshoe Mesa et qui accueille encore aujourd’hui les randonneurs. Et seules les mules étaient assez robustes pour transporter le minerai depuis la mine jusqu’en haut du canyon.

Vue depuis Grandview Point.

Le tourisme du Grand Canyon commence ici, à Grandview Point en 1893 lorsque Pete Berry décide d’accueillir les touristes pour leur faire découvrir le site et diversifier ses sources de revenu. Le logement est d’abord rudimentaire, dans des cabanes en bois, puis en 1897 il construit un hôtel plus confortable. Ce site est le plus populaire pour venir admirer le canyon jusqu’en 1901, date à laquelle la construction de la voie de chemin de fer atteint Grand Canyon Village, à 15-20 km à l’Ouest de Grandview Point. Les touristes choisissent alors majoritairement de confort du voyage en train jusqu’à Grand Canyon Village plutôt que le trajet de 12h en diligence depuis Flagstaff jusqu’à Grand View Point.

Départ de l’un des chemins qui descend dans le canyon à partir de Grandview Point. La Horseshoe Mesa est la butte visible vers le centre de la photo et la Last Chance Mine était située dans les canyons à droite de la mesa.

Lipan Point et Navajo Point

C’est à la fin de l’été 1540 qu’une expédition espagnole menée par Francisco Vásquez de Coronado découvre pour la première fois le canyon. Après un voyage de 6 mois, un petit groupe dirigé par Garcia Lopez de Cárdenas voyage encore 20 jours jusqu’au canyon. Guidés par les indiens Hopi, ce sont les premiers européens à admirer ce paysage. Pendant trois jours, le groupe chercha en vain un chemin pour descendre jusqu’au fleuve.

En 1873, le géologue John Wesley Powell invite l’artiste Thomas Moran à l’accompagner lors de son séjour dans la région du Grand Canyon pour effectuer des relevés géologiques. Les peintures de Moran ont aidé à développer le tourisme dans l’Ouest des États-Unis et ont également poussé le congrès à établir des parcs nationaux dans cette partie du pays. À cette époque ou les photos étaient encore en noir et blanc, seule la peinture permettait de retranscrire les couleurs vives de ces paysages.

Même en y étant, il est difficile de se rendre compte des distances et de la taille du canyon. Quelques chiffres qui peuvent aider:

  • Le Grand Canyon s’étend sur 446 km de Lees Ferry à Grand Wash Cliffs.
  • La profondeur du canyon est d’environ 1600 m et sa largeur de 16 km.
  • Dans le canyon, le fleuve Colorado fait en moyenne 91 m de large.
  • La surface du Grand Canyon est de 6734 km2 et le parc national du Grand Canyon (4931 km2) préserve plus de la moitié de sa surface.
  • Plus de 1750 espèces de plantes, 90 espèces de mammifères, et 362 espèces d’oiseaux participent à la biodiversité du Grand Canyon.

Les Hance Rapids sont les rapides les plus dangereux du Grand Canyon, et le fleuve Colorado y descend d’environ 6m. C’est aussi à cet endroit que le cours d’eau a creusé les couches de roches sédimentaires jusqu’au socle granitique. L’érosion des 1200 mètres de roches sédimentaires a pris plus de 5 millions d’années. Le granite étant plus difficile à éroder, le canyon devient plus étroit lorsqu’il traverse le granite.

Vue vers l’Ouest, sur les Hance Rapids, situés à plus de 6 km.

Vers l’Est (amont du fleuve), le cours d’eau n’a pas encore érodé la roche jusqu’au socle granitique, mais on peut voir la formation géologique qui s’est déposée sur le socle granitique, appelée le Supergroup. Ces couches sédimentaires, âgées de 740 à 1200 millions d’années, se sont déposées horizontalement. Les plus anciens fossiles du Grand Canyon, des stromatolites, ont été trouvés dans ces roches qui portent aussi des ripple marks, témoins d’une sédimentation en eaux peu profondes. Puis, le Supergroup a été incliné lors de l’éclatement du super-continent Rodinia et de l’ouverture de l’Océan Pacifique, il y a environ 700 millions d’années. L’ouverture de l’océan s’accompagne d’un magmatisme intense et de coulées de basaltes qui recouvrent les roches du Supergroup. Cette formation sédimentaire faite de roche tendre est facilement érodée par le fleuve, formant un large canyon.

Vue vers l’Est, sur les roches du Supergroup. Elles sont visibles, au-dessus du fleuve et recouvertes d’une épaisse couche de basalte.

Il y a plus de 1000 ans, plusieurs villages de fermiers étaient établis le long du canyon où ils cultivaient du maïs, des haricots, des courges, et du coton dans des champs en terrasse. Les ancêtres des indiens Pueblo vivaient dans cette région, ils chassaient et cueillaient également la faune et la flore sauvage pour se nourrir. Aujourd’hui, les histoires transmises de générations en générations nous apprennent que de nombreuses tribus modernes situent leur terre ancestrale au Grand Canyon.

Desert View

Mary Colter a voyagé pendant 6 mois dans le Sud-ouest des États-Unis pour étudier l’architecture indienne et s’en inspirer pour concevoir cette tour.
Cedar Mountain

Le premier géologue à visiter le Grand Canyon est John Strong Newberry en 1861. La conclusion de son étude est que le fleuve a creusé ce canyon, ce sur quoi les géologues sont encore d’accord aujourd’hui. Ce qui reste encore incompris à ce jour est pourquoi le fleuve qui coulait vers le Sud, tourne soudainement vers l’Ouest pour creuser à travers le plateau.

Cet article fait partie d’une série d’articles consacrés à mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, à l’article précédent (March 20 – Route vers le Grand Canyon National Park), et à l’article suivant (March 21 – Grand Canyon – South Kaibab trail).

March 20 – Route vers le Grand Canyon National Park

Nous quittons Las Vegas vers le Sud-Est, vers le Grand Canyon!

Le centre-ville de Las Vegas avec les grands immeubles est relativement restreint, le reste de la ville ayant des maisons à un étage ou de plein pied. Elles ressemblent au peu aux maisons du sud de la France avec leur toit de tuiles rouges.

Notre route se poursuit dans les badlands, paysages très arides et montagneux où la végétation est très éparse et très rase. On croise une grande ferme de panneaux solaires, puis nous découvrons le Lac Mead pour la seconde fois. La route passe juste à côté du barrage Hoover, qui clos le lac artificiel et abrite l’une des plus grandes centrales hydroélectriques des États-Unis. Le Lac Mead est approvisionné par le fleuve Colorado, qui fait la frontière entre le Nevada et l’Arizona à cet endroit-là. La diminution des précipitations et de la couverture neigeuse ces dernières années réduit le débit du fleuve Colorado et l’approvisionnement en eau du Lac Mead. Cela pourrait compromettre dans quelques années la capacité du barrage à produire de l’électricité.

Ferme de panneaux solaires au Sud de Las Vegas
Vue sur le Lac Mead depuis l’autoroute I11
Vue sur le Lac Mead depuis l’autoroute I11 – la bande de roche plus claire indique la baisse du niveau de l’eau du lac en quelques années.
Passage de la frontière Nevada-Arizona sur le Memorial Bridge, à coté du barrage Hoover.

Après une grande plaine aride, les camions se font plus lents sur la route et on gagne en élévation. Nous montons sur le plateau. La végétation change et les arbustes se font plus nombreux et plus denses, pour se transformer en forêt de conifères. Après les températures estivales de la veille, les restes de neige sur le bord de la route nous rappellent que nous sortons tout juste de l’hiver.

Sur le plateau du Colorado
Sur le plateau du Colorado

Aujourd’hui, c’est le jour du printemps. C’est aussi le premier jour du calendrier iranien. Cyrus appelle sa famille et ses amis sur la route pour leur souhaiter la bonne année: « Norouz moubarak! ».

Vers 13h, nous arrivons à Tusayan, petite ville à quelques kilomètres de l’entrée du parc. Nous nous installons avant d’aller découvrir le canyon!

Cet article fait partie d’une série d’articles consacrés à mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, à l’article précédent (March 19 – Las Vegas), et à l’article suivant (March 20 – Grand Canyon – Scenic Road).

March 19 – Las Vegas

Aujourd’hui, nous sommes arrivés à Las Vegas, la grande ville du Sud du Nevada, au milieu du désert. Après un changement à Détroit, où les nuages sont tellement bas qu’on a à peine vu les alentours de l’aéroport avant d’atterrir, nous avons survolé le désert de l’Ouest des États-Unis. Lors d’un dernier virage avant d’atterrir, la vue du Lac Mead nous surprend, cette immense étendue d’eau au milieu des badlands. À la sortie de l’avions, nous sommes aussi surpris par les machines à sous qui s’alignent devant nous directement dans les terminal de l’aéroport, puis par la température extérieure avoisinant les 25oC, qui nous projette dans une ambiance de vacances estivales!

Aéroport de Las Vegas – dans le terminal juste à la sortie de l’avion.
Aéroport de Las Vegas, Nevada.

La fin de l’après-midi du samedi est dédiée à la préparation du reste du voyage: on récupère la voiture à la location, on va acheter les affaires de camping qui nous manquent et de quoi manger pour les quelques jours à venir. Vers 20h, les courses sont faites, on trouve un bon restaurant italien, où on déguste un très bon steak, avant de regagner notre hôtel/casino.

Vue de Las Vegas depuis l’autoroute

Las Vegas, tout le monde le sait, c’est la ville des casinos. Les gens du monde entier espèrent y gagner une fortune, mais comme on dit « the house always wins ». Il faut donc que les joueurs perdent. Au rez-de-chaussé de notre hôtel (Arizona Charlies Decatur), les machines à sous s’alignent, avec devant elles des gens plutôt âgés et qui ont souvent l’air mal en point. Le lendemain, lorsqu’on part au petit matin, il y a moins de joueurs, mais certains sont encore accrochés à leur machine à sous ou sont déjà revenus après une courte nuit. Car ici les casinos ne ferment pas, on peut y jouer, boire et fumer à toute heure de jour et de la nuit.

Cactus géant en face de notre hôtel.
Notre hotel – Arizona Charlies Decatur – au lever du soleil

La veille nous n’avions pas eu le temps d’aller voir la rue emblématique de Las Vegas: Fremont Street. À 8 heures un dimanche matin, l’ambiance y est étrange. Les touristes venus jouer ne sont pas encore levés mais les rues ne sont pas vides. Les éboueurs nettoient les preuves d’un nuit bien arrosée dans cette rue ultra kitch aux couleurs criardes et illuminée de toute part dès la nuit tombée. Les agents de sécurité rentrent chez eux après leur nuit de travail. La population prédominante à cette heure sont les clochards, qui quémandent quelques dollars ou de la nourriture. Triste image.

Les jeux d’argent et les enseignes kitchs ne sont pas mon environnement habituel, ni un environnement qui m’attire particulièrement, plutôt l’inverse. D’ailleurs, on n’a pas trop trainé dans cette ambiance décadente et on s’est mis en route vers le parc national du Grand Canyon.

Cet article fait partie d’une série d’articles sur mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, et à l’article suivant (March 20 – Route vers le Grand Canyon National Park).