March 21 – Grand Canyon – Géologie

Le fleuve Colorado a creusé le Grand Canyon en 5-6 millions d’années à travers 1600 mètres de roche, donnant accès à une coupe géologique représentant près de 2 milliards d’années. Plusieurs couches géologiques sont suffisamment reconnaissables pour être identifiées de chaque côté du canyon. Entre les canyons, des morceaux de falaises sont les témoins de la continuité des couches géologiques quelques millions d’années plus tôt et forment maintenant des crêtes et des buttes ressemblant à des temples et des pyramides.

Le canyon vu depuis le musée de géologie

Les roches

Les roches rencontrées sur cette coupe géologique naturelle témoignent des conditions environnementales dans lesquelles elles se sont formées. Par exemple, les Kaibab limestones (calcaires) se sont formées dans une mer tropicale peu profonde. Les Coconino sandstones (grès) sont des dunes de sable façonnées par le vent, nous les avons vues le matin même lors de notre randonnée sur le South Kaibab Trail. Les Hermit Shales (schistes) se sont formés à partir de boues déposées dans un delta ou une zone humide côtière.

Les roches du Grand Canyon peuvent être classées en trois formations distinctes, des roches les plus anciennes, au fond du canyon, aux roches les plus jeunes qui sont au sommet du plateau:

  • Le socle formé de roches métamorphiques plissées (gneiss) et plutoniques (granite), témoins de la présence d’anciennes chaines de montagnes;
  • Le Supergroup constitué de roches sédimentaires et volcaniques inclinées, dont la présence entre les strates sédimentaires horizontales et les roches métamorphiques du socle dépend du jeu des failles et de l’érosion;
  • Les roches sédimentaires tabulaires horizontales qui ont gardé leur position horizontale d’origine.
Cette coupe géologique représente les roches du Grand Canyon. On distingue les trois formations décrites précédemment, ainsi que les discontinuités (nonconformity), où une partie de l’histoire géologique a été effacée du fait d’un arrêt de sédimentation et/ou de l’érosion. Cette coupe montre aussi que les roches plus résistantes à l’érosion comme les gneiss, les granites, les calcaires et les grès ont tendance à former des falaises, alors que les roches plus tendres comme les schistes forment des pentes plus douces.

L’histoire géologique du Grand Canyon

Les roches sont des témoins des conditions environnementales dans lesquelles elles se forment, elles permettent de retracer l’histoire géologique de la région et les cycles d’accrétion et de dislocation des continents. Mais l’enregistrement n’est pas continu, lorsque les roches sont émergées elles s’érodent et une partie de cette histoire est perdue.

L’histoire du Grand Canyon commence il y a 1840 millions d’années lors de la fermeture de l’océan situé à l’Ouest du continent Nord Américain d’alors, qui s’achève par la collision d’un arc volcanique avec le continent formant une chaine de montagnes. Les conditions de haute pression et température générées par cet événement permettent la formation de roches métamorphiques (gneiss) et plutoniques (granites). Au cours des millions d’années suivantes, la chaine de montagne est progressivement érodée et les roches métamorphiques et plutoniques qui se sont formées en profondeur, se retrouvent à la surface il y a 1400 millions d’années.

Il y a 1200 millions d’années, le supercontinent Rodinia commence à se fracturer et la région du grand canyon se retrouve submergée. Les sédiments et les coulées de lave s’accumulent dans cette nouvelle mer. La séparation des continents Nord et Sud Américain provoque un étirement de la région qui fracture le socle en blocs basculés, inclinant et fracturant également les strates sédimentaires du Supergroup. À cause de l’érosion au cours des centaines de millions d’années qui suivent, les roches du Supergroup ont aujourd’hui totalement disparu à certains endroits entre les roches du socle et les couches sédimentaires horizontales. Cette interruption de plus de 1150 millions d’années dans l’enregistrement géologique est appelée Grande Discontinuité. Les roches du Supergroup permettent de retracer une partie de cette histoire manquante.

Il y a 525 millions d’années, le continent Nord Américain se trouve au niveau de l’équateur. La région du Grand Canyon est une plaine côtière dont émergent des îles formées par les roches du Supergroup. La sédimentation qui forme les roches sédimentaires horizontales du canyon, commence à cette époque. La diversité de ces roches témoigne des conditions changeantes de cet environnement dues aux variations du niveau de la mer. La sédimentation s’arrête lors de la formation d’un nouveau supercontinent il y a 270 millions d’années: la Pangée.

Il y a 245 millions d’années, la Pangée se disloque à son tour, le contient Nord-Américain se déplace vers le Nord-Ouest et entre en collision avec un arc volcanique, événement à l’origine de la formation des Rocheuses. Cette collision provoqua également l’élévation du plateau du Colorado, avec très peu de déformation. L’émersion de la région provoque l’arrêt de la sédimentation et le début de l’érosion du plateau.

Depuis 5 millions d’années, le fleuve Colorado suit le même chemin et traverse le plateau. Il prend sa source dans les Rocheuses et s’écoule sur près de 2600 km avant de se jeter dans le Golfe de Californie au Mexique. Au cours de ces quelques millions d’années, l’éruption des volcans actifs de la région provoquent des coulées de lave qui forment parfois des barrages naturels et bloquent temporairement le cours du fleuve. Mais l’érosion reprend le dessus et le fleuve creuse son chemin à travers ces coulées de lave.

Le canyon vu depuis le musée de géologie

L’histoire continue

L’érosion peut prendre plusieurs formes et est encore active aujourd’hui. La formation de falaises crée une situation instable qui favorise les éboulements. L’eau peut aussi dissoudre la roche, notamment les calcaires. En hiver l’eau s’infiltre dans les fractures et la glace qui s’y forme lors des périodes de gel fracture la roche. Et les crues subites qui se produisent souvent lors des orages estivaux emportent roches, sol, sable et végétation sur leur passage. Tous ces facteurs participent encore aujourd’hui à l’érosion du canyon, dont le paysage évolue constamment.

Avant la construction de Glen Canyon Dam en 1956, le débit du fleuve Colorado n’était pas contrôlé à travers le canyon et charriait 78 millions de tonnes de sédiments par an. Aujourd’hui les sédiments sont bloqués par le barrage et se déposent au fond du lac Powell. Les sédiments transportés par le fleuve participent à creuser le canyon et sont aujourd’hui apportés par les affluents qui rejoignent le fleuve Colorado en aval du barrage de Glen Canyon.

Chemin géologique

Après la visite du musée géologique qui nous a renseignés sur l’histoire géologique de la région, nous voilà repartis sur les sentiers, cette fois nous suivons le bord du canyon à plat. Ce chemin géologique nous fait remonter dans le temps et montre des échantillons de roches prélevés de plus en plus bas dans le canyon. On a aussi rencontré des wapitis se nourrissant de la végétation de la Kaibab National Forest.

Chemin géologique montrant des échantillons des formations géologiques rencontrées lorsqu’on descend dans le canyon équivalant à une remontée dans le temps.
Wapiti cherchant de quoi brouter à proximité du chemin géologique.
Wapiti
Wapiti
Wapiti s’éloignant dans la Kaibab National Forest.
Stromatolites – plus anciens fossiles connus formés par des couches de microorganismes comme les cyanobactéries, dont l’activité a permis d’augmenter le niveau d’oxygène dans l’atmosphère.

Cet article fait partie d’une série d’articles consacré à mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, à l’article précédent (March 21 – Grand Canyon – South Kaibab trail), et à l’article suivant (March 21 – Grand Canyon – Hermits Rest Route).

March 21 – Grand Canyon – South Kaibab trail

Au programme ce matin: une randonnée à partir de South Kaibab trailhead. Contrairement à la veille, nous ne pouvons pas accéder à ce chemin en voiture. Un système de navettes nous permet de rejoindre le départ de notre randonnée. Le chemin South Kaibab va jusqu’au fond du canyon, un pont permet de passer de l’autre côté de la rivière et le chemin North Kaibab remonte jusqu’au plateau de l’autre côté du canyon. Cette randonnée serait un projet de plusieurs jours, nous avons donc marché sur une petite partie du chemin, en passant par le Ooh Ahh Point jusqu’à Cedar Ridge, puis nous sommes remontés.

Nous voilà repartis vers le canyon à travers la Kaibab National Forest.
Vue depuis South Kaibab trailhead.

Descente jusqu’au Ooh Aah Point

Début de chemin en haut de la falaise.

Trouver un chemin pour descendre dans le canyon n’a pas été facile étant donné que le canyon est bordé par une falaise abrupte. Le chemin qui part de South Kaibab trailhead a été creusé dans la falaise à partir de 1924, tout le matériel étant porté par des hommes ou des mules, et la construction se faisant la nuit pendant les mois d’été. La construction s’est terminée en 1928 avec l’installation du pont qui rejoint le North Kaibab trail.

Vue du Ooh Aah Point

O’Neill Butte

Vue de Cedar Ridge

Eh oui, les écureuils sont partout!
On voit bien les couches tabulaires horizontales de part et d’autre du canyon sur la majorité de la hauteur des falaises. Vers le bas des falaises, on ne voit plus cette structure en strates et les roches sont plus sombres. Ce sont des roches métamorphiques, sur lesquelles se sont déposées les roches sédimentaires il y a plusieurs centaines de millions d’années.
O’Neill Butte – le fleuve Colorado a creusé le plateau du Colorado en lassant des morceaux de falaise en place, appelées buttes témoins.

Remontée

On ne peut s’empêcher de jeter quelques coups d’œil en arrière pour continuer de profiter du spectacle!
Lorsqu’on monte, on a le nez sur la roche et on peut admirer les dessins bien visibles dans la roche qui témoignent de la façon dont se sont déposés les sédiments. Ici, les lignes ne sont pas parallèles et parfois se recoupent, ces sédiments sont probablement d’anciennes dunes de sable façonnées par le vent.
D’autres dunes fossiles!
On attaque la falaise de grès qui marque le bord du canyon. On y est presque!
Mule pour le portage ou pour promener les touristes. Les mules du Grand Canyon viennent majoritairement du Tennessee où elles sont utilisées dans les champs de tabac.

Cet article fait partie d’une série d’articles consacrés à mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, à l’article précédent (March 20 – Grand Canyon – Scenic Road), et à l’article suivant (March 21 – Grand Canyon – Géologie).

March 20 – Grand Canyon – Scenic Road

Quelques flocons sont déjà tombés lors de notre trajet. Mais à notre halte au Visitor Center pour récupérer les cartes et glaner quelques conseils des rangers, la neige s’épaissit pour se transformer rapidement en tempête de neige. Nous pensions commencer par une randonnée pour nous dégourdir les jambes après le trajet, mais nous changeons de plan et nous décidons d’emprunter la route scénique, pour pouvoir se réchauffer dans la voiture entre les arrêts.

Tempête de neige sur le canyon!

À notre premier arrêt, la tempête de neige est si dense qu’on peut à peine apercevoir une falaise fantomatique. Peu à peu la tempête se calme, la neige se fait moins dense, la visibilité s’améliore, et on découvre progressivement l’immensité du paysage qui s’étend devant nous: de multiples falaises bordant des canyons tortueux, des strates tabulaires rouges et ocre à perte de vue, des structure si immenses qu’il est difficile d’en apprécier pleinement l’échelle. En effet du haut du plateau où nous sommes, au bas du canyon au bord du fleuve Colorado, il a plus de 1600 mètres de dénivelée.

Le canyon est très aride, avec quelques poches de verdure dans les recoins de falaises qui gardent un peu mieux l’humidité et sur la rive Sud du canyon, qui reste plus à l’ombre. Le plateau est beaucoup plus boisé avec par endroit une forêt dense et des arbres relativement grands.

Duck on a rock

Le reste de l’après-midi, nous suivons la route en nous arrêtant aux points de vue, toujours émerveillés par ce paysage sur lequel les nuages et le soleil rasant créent des jeux de lumière jusqu’au coucher du soleil.

Grandview Point

Pete Berry était un prospecteur de minerais et en 1890 il ouvre la Mine de la dernière chance (Last Chance Mine) sur le site de Horseshoe Mesa. La mine produisait un minerai de cuivre de grande qualité, pur à 15-30%, jusqu’à plus de 70% pour certaines veines. Mais l’extraction de ce minerai était vouée à l’échec. La mine était située dans le canyon à 1000 mètres en aval du bord du canyon, rendant les coûts du paquetage et du transport du minerai prohibitif. Ce sont les mineurs qui ont construit le chemin de 5 km de long qui mène à la Horseshoe Mesa et qui accueille encore aujourd’hui les randonneurs. Et seules les mules étaient assez robustes pour transporter le minerai depuis la mine jusqu’en haut du canyon.

Vue depuis Grandview Point.

Le tourisme du Grand Canyon commence ici, à Grandview Point en 1893 lorsque Pete Berry décide d’accueillir les touristes pour leur faire découvrir le site et diversifier ses sources de revenu. Le logement est d’abord rudimentaire, dans des cabanes en bois, puis en 1897 il construit un hôtel plus confortable. Ce site est le plus populaire pour venir admirer le canyon jusqu’en 1901, date à laquelle la construction de la voie de chemin de fer atteint Grand Canyon Village, à 15-20 km à l’Ouest de Grandview Point. Les touristes choisissent alors majoritairement de confort du voyage en train jusqu’à Grand Canyon Village plutôt que le trajet de 12h en diligence depuis Flagstaff jusqu’à Grand View Point.

Départ de l’un des chemins qui descend dans le canyon à partir de Grandview Point. La Horseshoe Mesa est la butte visible vers le centre de la photo et la Last Chance Mine était située dans les canyons à droite de la mesa.

Lipan Point et Navajo Point

C’est à la fin de l’été 1540 qu’une expédition espagnole menée par Francisco Vásquez de Coronado découvre pour la première fois le canyon. Après un voyage de 6 mois, un petit groupe dirigé par Garcia Lopez de Cárdenas voyage encore 20 jours jusqu’au canyon. Guidés par les indiens Hopi, ce sont les premiers européens à admirer ce paysage. Pendant trois jours, le groupe chercha en vain un chemin pour descendre jusqu’au fleuve.

En 1873, le géologue John Wesley Powell invite l’artiste Thomas Moran à l’accompagner lors de son séjour dans la région du Grand Canyon pour effectuer des relevés géologiques. Les peintures de Moran ont aidé à développer le tourisme dans l’Ouest des États-Unis et ont également poussé le congrès à établir des parcs nationaux dans cette partie du pays. À cette époque ou les photos étaient encore en noir et blanc, seule la peinture permettait de retranscrire les couleurs vives de ces paysages.

Même en y étant, il est difficile de se rendre compte des distances et de la taille du canyon. Quelques chiffres qui peuvent aider:

  • Le Grand Canyon s’étend sur 446 km de Lees Ferry à Grand Wash Cliffs.
  • La profondeur du canyon est d’environ 1600 m et sa largeur de 16 km.
  • Dans le canyon, le fleuve Colorado fait en moyenne 91 m de large.
  • La surface du Grand Canyon est de 6734 km2 et le parc national du Grand Canyon (4931 km2) préserve plus de la moitié de sa surface.
  • Plus de 1750 espèces de plantes, 90 espèces de mammifères, et 362 espèces d’oiseaux participent à la biodiversité du Grand Canyon.

Les Hance Rapids sont les rapides les plus dangereux du Grand Canyon, et le fleuve Colorado y descend d’environ 6m. C’est aussi à cet endroit que le cours d’eau a creusé les couches de roches sédimentaires jusqu’au socle granitique. L’érosion des 1200 mètres de roches sédimentaires a pris plus de 5 millions d’années. Le granite étant plus difficile à éroder, le canyon devient plus étroit lorsqu’il traverse le granite.

Vue vers l’Ouest, sur les Hance Rapids, situés à plus de 6 km.

Vers l’Est (amont du fleuve), le cours d’eau n’a pas encore érodé la roche jusqu’au socle granitique, mais on peut voir la formation géologique qui s’est déposée sur le socle granitique, appelée le Supergroup. Ces couches sédimentaires, âgées de 740 à 1200 millions d’années, se sont déposées horizontalement. Les plus anciens fossiles du Grand Canyon, des stromatolites, ont été trouvés dans ces roches qui portent aussi des ripple marks, témoins d’une sédimentation en eaux peu profondes. Puis, le Supergroup a été incliné lors de l’éclatement du super-continent Rodinia et de l’ouverture de l’Océan Pacifique, il y a environ 700 millions d’années. L’ouverture de l’océan s’accompagne d’un magmatisme intense et de coulées de basaltes qui recouvrent les roches du Supergroup. Cette formation sédimentaire faite de roche tendre est facilement érodée par le fleuve, formant un large canyon.

Vue vers l’Est, sur les roches du Supergroup. Elles sont visibles, au-dessus du fleuve et recouvertes d’une épaisse couche de basalte.

Il y a plus de 1000 ans, plusieurs villages de fermiers étaient établis le long du canyon où ils cultivaient du maïs, des haricots, des courges, et du coton dans des champs en terrasse. Les ancêtres des indiens Pueblo vivaient dans cette région, ils chassaient et cueillaient également la faune et la flore sauvage pour se nourrir. Aujourd’hui, les histoires transmises de générations en générations nous apprennent que de nombreuses tribus modernes situent leur terre ancestrale au Grand Canyon.

Desert View

Mary Colter a voyagé pendant 6 mois dans le Sud-ouest des États-Unis pour étudier l’architecture indienne et s’en inspirer pour concevoir cette tour.
Cedar Mountain

Le premier géologue à visiter le Grand Canyon est John Strong Newberry en 1861. La conclusion de son étude est que le fleuve a creusé ce canyon, ce sur quoi les géologues sont encore d’accord aujourd’hui. Ce qui reste encore incompris à ce jour est pourquoi le fleuve qui coulait vers le Sud, tourne soudainement vers l’Ouest pour creuser à travers le plateau.

Cet article fait partie d’une série d’articles consacrés à mon voyage dans l’Ouest des États-Unis en mars-avril 2022. Vous pouvez accéder à la liste des articles de cette série, à l’article précédent (March 20 – Route vers le Grand Canyon National Park), et à l’article suivant (March 21 – Grand Canyon – South Kaibab trail).