Cet article est le 2e volet d’une série de 5 articles explicatifs sur les élections américaines du 3 novembre.
Des élections organisées par les états
Les État-Unis, comme leur nom l’indique, sont un état fédéral et les élections présidentielles sont organisées par les états. Les lois relatives à la tenue des élections et au comptage des voix sont donc différentes pour chaque état. Certaines régulations diffèrent également d’un county à l’autre. Sachant que les États-Unis sont divisés en plus de 3000 counties, il est difficile de suivre toutes les subtilités de ces régulations!
Le jour des élections est fixé le mardi suivant le 1er lundi de novembre tous les 4 ans (années bisextiles). Les américains peuvent voter à leur bureau de vote le jour J, à leur bureau de vote avant le jour J, ou par correspondance. Les régulations dépendant des états et des counties concernent:
- Les dates auxquelles les bureaux de votes ouvrent;
- La possibilité de voter par correspondance;
- Les conditions d’obtention d’un bulletin de vote par correspondance: demande limitée à des conditions précises, demande sans conditions, ou envoi systématique à tous les électeurs;
- Les dates limites d’envoi et de réception des bulletins de vote par correspondance;
- La possibilité de rectifier son vote par correspondance en cas d’erreur (oubli de signature par exemple) ainsi que les conditions de cette rectification;
- Les conditions de comptage des bulletins de vote par correspondance: comptage avant le jour de l’élection, préparation (ouverture des enveloppes, vérification des signatures,…) avant le jour de l’élection, ouverture et comptage après la fermeture des bureaux de vote;
- …
Ces différentes régulations rendent difficile la compréhension du système dans son ensemble. Et d’autant plus que dans certains états, des lois relatives aux élections ont été votées pendant le mois d’octobre, alors que les bureaux de votes étaient déjà ouverts, modifiant les règles au cours de l’élection.
Un contexte particulier
Ces élections se déroulent dans le contexte particulier de l’épidémie de Covid-19 avec plus de 90,000 nouvelles infections et 1,200 morts le 3 novembre. Cela correspond à 26.5 cas pour 100,000 habitants, on est au début d’une nouvelle vague. L’inaction du gouvernement fédéral a eu pour résultat en un pourcentage de la population infectée et un nombre de décès très supérieurs au reste du monde, soit environ 20% des cas aux US, alors que seulement 4% de la population mondiale vit aux US.
Fermeture de bureaux de votes
Une combinaison de facteurs a fait que certains électeurs ont attendu plusieurs heures avant de pouvoir voter. Le nombre de bureaux de votes a diminué de 20% par rapport aux élections 2016, avec près de 21,000 bureaux de vote en moins (dont la moitié en Californie). Chaque bureau de vote a donc dû accueillir plus de votants que d’habitude. La diminution la plus drastique a eu lieu dans le Maryland avec la suppression de 80% des bureaux de vote. Ces diminutions ont affecté davantage les localités à majorité africaine-américaine et hispanique. Les conditions sanitaires imposaient également le nettoyage des stations de vote entre chaque usage, ralentissant le processus électoral.
Le vote par correspondance
Le contexte sanitaire a amené 23 états à changer leur législation pour favoriser le vote par correspondance cette année et diminuer le nombre d’électeurs dans les bureaux de vote. Sur 155 millions de votants, 62 millions ont voté par correspondance (2 fois plus qu’en 2016) et 39 millions ont voté en personne avant le jour de l’élection. Environ 2/3 des électeurs ont donc voté avant le jour de l’élection en 2020.
Le pourcentage des votes en faveur des démocrates est plus élevé dans les votes par correspondance. Donald Trump a donc mené une campagne de discrédit du vote par correspondance en insistant sur la fraude possible. Cela est en fait extrêmement rare, facilement détectable, et très lourd de conséquences judiciaires (plusieurs années de prison) pour les contrevenants. Cette campagne a été combinée à une casse de l’USPS (la poste) par le Postmaster General Louis Dejoy, nommé en mai de cette année. Des machines de comptage des courriers ont été démantelées afin de ralentir la distribution du courrier et potentiellement de disqualifier certains bulletins de vote par correspondance qui arriveraient trop tard pour être comptés et de ce fait diminuer le pourcentage de voix pour Joe Biden. Le nombre de boîtes à lettres dédiées aux bulletins de vote a aussi été drastiquement réduit dans certains counties.
Suppression de votants
Dans de nombreux états, un certain nombre de mesures ont tendance à diminuer l’accès au droit de vote, en particulier pour les populations africaine-américaine et hispanique. Souvent plusieurs facteurs se combinent pour ces populations: en moyenne leur temps d’attente au bureau de vote est plus long, les personnes ayant purgé une peine de prison peuvent perdre leur droit de vote, et les listes électorales sont régulièrement purgées.
Sachant que la population carcérale masculine est constituée de 34% d’africains-américains, de 24% d’hispaniques et de 18% de blancs, alors que la population des États-Unis compte 13% d’africains-américains, 18% d’hispaniques, et 73% de blancs, les populations non blanches sont désavantagées.
En ce qui concerne la purge des listes électorales, ce processus a pour but de retirer des listes électorales les électeurs décédés et les électeurs ayant déménagé. En 2019, plus de 313,000 votants (sur 7,200,000 de votants, soit 4%) ont été retirés des listes électorales de Géorgie parce qu’ayant apparemment déménagé. En fait, 2/3 d’entre eux n’avaient pas déménagé mais avaient été rayés des listes par erreur. Les électeurs des counties à majorité africaine-américaine et hispanique sont globalement plus touchés par ce phénomène. De plus, les électeurs ne sont souvent pas avertis qu’ils ont été rayés des listes électorales. Une partie des élus et des candidats encouragent donc les votants à vérifier qu’ils sont bien inscrits sur les listes électorales, même s’ils n’ont pas déménagé et qu’ils ont voté aux dernières élections.
Des élections présidentielles, mais pas seulement…
Le système électoral américain considère que puisque les électeurs se sont déplacés pour les élections présidentielles et qu’on les a sous la main, autant en profiter pour les faire voter sur d’autres sujets. Les électeurs de chaque état sont ainsi amenés à voter pour leurs élus au sénat et à la chambre des représentants, et sur un certain nombre de questions.
La chambre des représentants
La chambre des représentants est constituée de 435 représentants qui sont élus pour deux ans. Les états sont découpés en districts qui sont chacun représentés par un membre de la chambre des représentants. Le nombre de représentants de chaque état est proportionnel à sa population. Par exemple, la Californie a 53 sièges, le Texas 36, et la Floride 27, alors que les états peu peuplés du Dakota du Nord, du Vermont, ou du Wyoming ont chacun un représentant. En 2020 le parti démocrate obtient la majorité à la chambre des représentants avec 222 sièges contre 211 pour les républicains, 3 sièges n’étant pas encore attribués lors de l’écriture de cet article.
Le sénat
Les sénateurs sont élus pour six ans et le sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans. Chaque état est représenté par deux sénateurs, ce qui donne beaucoup plus de poids aux opinions des états les moins peuplés. Actuellement, les républicains ont 50 sièges, les démocrates 46 sièges, 2 sièges appartiennent à d’autres partis et le vote pour les 2 sièges de Géorgie se tiendra début janvier. Dans le cas, apparemment peu probable, où les deux sénateurs républicains de Géorgie seraient remplacés par les candidats démocrates, il pourrait y avoir égalité des voix lors des votes au sénat. Si c’est le cas, la vice-présidente Kamala Harris devra ajouter son vote pour dégager une majorité.
Les questions
Les électeurs peuvent aussi s’exprimer sur un certain nombre de questions sur la législation de leur état. Les questions peuvent concerner entre autres choses des amendements aux lois de l’état, une pétition qui a obtenu suffisamment de signatures, ou un référendum pour exercer un droit de veto à propos d’une loi. Elles peuvent provenir de la chambre des représentants de l’état, de différentes commissions, ou des citoyens.
En 2020, le grand gagnant de ces questions est… le cannabis! Avant les élections, le cannabis était déjà légal pour un usage récréatif dans 11 états et dans le district de Columbia (DC). Maintenant, il est légal dans 4 autres états pour un usage récréatif et dans 2 autres états pour un usage médical. De plus, l’Oregon a voté en faveur de la décriminalisation de toutes les drogues en petite quantité.
La question du salaire minimum a aussi été posée aux citoyens de Floride. Pour replacer cette question dans son contexte, on doit rappeler que le salaire minimum imposé au niveau national est de $7.25/h, ce qui équivaut à $1,250/mois ou 1,030€/mois (à 40h/semaine sans congés payés). Un salaire minimum plus élevé est déjà imposé dans plusieurs états: 18 états et DC imposent un salaire minimum de $10/h ou plus, le plus haut étant $15/h à DC. Les candidats les plus progressistes du parti démocrate militent pour un salaire minimum de $15 au niveau fédéral, ce qui équivaut à $2,600/mois ou 2,150€/mois (à 40h/semaine sans congés payés). Cette année, les floridiens, bien qu’ayant voté pour Trump en majorité, ont approuvé la mise en place d’un salaire minimum à $15/h.
La série élections américaines 2020 continue par un article sur le collège électoral.