Cet article est le 3e volet d’une série de 5 articles explicatifs sur les élections américaines du 3 novembre.
Lors de l’élection présidentielle, les électeurs ne votent pas directement pour un candidat à la présidentielle, mais pour des grands électeurs du collège électoral (electoral college). Ce sont ces 538 grands électeurs qui représentent les états et élisent le président. Pour remporter l’élection présidentielle, un candidat doit obtenir la majorité absolue de 270 votes du collège électoral.
Les grands électeurs
Les grands électeurs ont été nommés par chaque parti avant les élections au printemps ou à l’été 2020. Les partis choisissent des électeurs inscrits au parti depuis longtemps et et ayant fait preuve de loyauté. Les anciens présidents font généralement partie du collège électoral. Dans 32 états et DC, les grands électeurs sont tenus de voter pour le candidat choisi par les électeurs, mais dans les 18 autres états rien ne contraint les grands électeurs de voter ainsi.
Le nombre de grands électeurs pour chaque état est égal au nombre de sénateurs (deux par état) plus le nombre de représentants au parlement (proportionnel à la population au recensement de 2010). Aux 535 représentants des états s’ajoutent trois représentants pour le District de Columbia.
The electoral power (le pouvoir électoral)
Le nombre de représentants par état est d’un minimum de trois. Le fait d’additionner le nombre de sénateurs et le nombre de membres de la chambre des représentants a tendance à donner plus de voix aux électeurs des états les moins peuplés, désavantageant les états les plus peuplés.
Ci-dessous, un graph représente les états par ordre croissant de population. Pour chaque état, on voit que le nombre d’élus à la chambre des représentants (gris foncé) est de 0.9 à 1.9 pour un million d’habitants. Ce n’est déjà pas idéal, mais le calcul du nombre de grands électeurs par état prend en compte le nombre d’élus à la chambre des représentants plus le nombre de sénateurs (gris clair). En prenant les extrêmes, cela a pour conséquence que les habitants du Wyoming ont 5.2 représentants pour un million d’habitants, alors que les habitants du Texas n’ont que 1.3 représentants pour un million d’habitants. Un habitant du Wyoming a donc environ quatre fois plus de pouvoir électoral qu’un habitant du Texas.
The winner takes it all
Dans la majorité des états (sauf le Maine et le Nebraska), le parti gagnant les élections remporte tous les grands électeurs pour cet état. Le vote des grands électeurs ne reflète donc pas la diversité d’opinions dans l’état. Par exemple, en Californie, 6 millions d’électeurs on voté pour Trump et 11 millions pour Biden. Selon la loi du « winner takes it all », Biden remporte la totalité des 55 votes des grands électeurs et les 6 millions d’électeurs républicains ne sont pas représentés au collège électoral (tout comme 5 millions d’électeurs démocrates ne sont pas représentés au Texas). Le Maine et le Nebraska découpent leurs territoires en districts pour déterminer les représentants au collège électoral.
The popular vote (le vote populaire)
Le système du collège électoral associé au « winner takes it all » peut avoir pour conséquence d’élire un président qui n’a pas la majorité au niveau national. Cela s’est passé cinq fois dans l’histoire des États-Unis dans les cas de John Quincy Adams (1824), Rutherford B.Hayes (1876), Benjamin Harrison (1888), George W. Bush (2000), et Donald Trump (2016). Les deux premières fois, les candidats n’appartiennent ni au parti républicain, ni au parti démocrate, mais pour les trois dernières occurences, les candidats appartiennent tous au parti républicain.
En 2016, ce système a eu pour conséquence l’élection de Donald Trump avec 306 votes, contre 232 pour Hillary Clinton, alors qu’Hillary Clinton obtient 48% des voix, contre 45.9% pour Donald Trump.
Un système contesté
Les disparités de pouvoir électoral, le principe de « the winner takes it all », le fait qu’une partie des grands électeurs ne sont pas tenus de voter pour le candidat choisi par la majorité des électeurs, et surtout la possibilité que le président élu n’ait pas la majorité des votes au niveau national, font que le système du collège électoral est perçu comme inéquitable et est critiqué par une majorité de la population américaine. Plusieurs initiatives ont tenté de se débarrasser du collège électoral, généralement bloquées par les sénateurs républicains, et pour l’instant sans succès.
Origine du collège électoral
Mais… surprise surprise: le collège électoral a été conçu pour être inéquitable! Il a été créé alors que les États-Unis n’étaient composés que de 12 états (+DC). Les états du Nord (New York, Pennsylvanie, Massachusetts, New Hampshire, Connecticut) étaient contre l’esclavage, alors que les états du Sud (Virginie, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Maryland, New Jersey, Georgie, Delaware) étaient esclavagistes.
Les états du Nord ayant une population d’hommes libres plus abondante, les états du Sud craignaient d’être constamment en minorité lors des votes. Il a donc été décidé d’établir le nombre de votes de chaque état au collège électoral en prenant en compte la population libre et la population d’esclave, chaque esclave comptant pour 3/5 d’un homme libre. Cela a permis de favoriser considérablement les états esclavagistes. Par exemple en 1800, la Pennsylvanie (Nord) a 601,000 personnes libres et 1,700 esclaves, alors que la Géorgie (Sud) a 539,000 personnes libres et 347,000 esclaves. Chaque état aurait du être représenté par 15 votes au collège électoral, mais la clause de 3/5 a permis de gonfler artificiellement le nombre de votes à 21 pour la Géorgie.
Aujourd’hui les états dont les électeurs ont le pouvoir électoral le plus important ont changé. Cependant, ce sont majoritairement des états qui ont une population moins ethniquement diverse que la moyenne des autres états, avec une proportion d’électeurs blancs plus importante.
La série élections américaines 2020 continue par un article sur les swing states.